mardi 16 avril 2013

"Chéri , vous permettez que je vous appelle Monsieur le Rabbin ?" V








                                   V


Entre chaque chapitre , un petit mot de sagesse venu je ne sais d' où qui me remettra les idées en place. 

Elle arriva sur la terre imbibée de peur.
Comme l’oiseau qui s’élance encore tout chaud d’un rêve inachevé, aussitôt hors du nid, le coeur encore léger déjà pris dans un violent affrontement bout au vent, flairant les brumes menaçantes entraver son essor remet à plus tard une mort, un peu comme une vie artificielle.
Elle s’était toujours endormie avec l‘angoisse de mourir.
Sans parler de sa peur dans l'obscurité.
Pour rendre moins virulentes ces attaques nocturnes, elle se fit fleur parce que une fleur ça ne pense pas, mais le temps de la métamorphose passé, elle se retrouva en proie aux morsures viscérales du vide .
Dès qu ‘elle prit conscience que chaque matin, elle se réveillait morte, elle sut que la mort ça n ‘existait pas .
À cette anxiété, se greffait une inquiétude latente , elle butait sur des questions.
Cela la troubla au point qu' elle demanda :
- « Papa, comment sait -on si on est intelligente ? »
Le temps de l 'enfance passé entre angines et maux de ventre prit fin .
Alors qu ‘elle rentrait d’ une après - midi au bord de mer elle découvrit des
jambes longues, un corps élancé, releva le menton, sourit . se prit pour une liane. Dans un battement de cils elle fut flocon dansant, sylphide.
Le message capté lui donna les ailes du zéphyr assorti de son code marin.
Il soufflait à l 'oreille de la jeune bédouine: monte avec moi, tu donneras à mon ami le dromadaire le plus beau fardeau du désert .
Le petit refrain chuchoté à l ‘adolescente se faufila dans tout son corps, elle en fit son chant du départ, son bain amniotique lui même devenu vérité fluctuant vent sous vergue, métronome génétique allant et venant au gré des rencontres
avec les garçons .
Une panacée de caractère intuitif paradait en arrière- et -avant plan comme mirage et réalité .
Elle s’épanouit comme un beau pamplemousse.
Lui échappèrent la réalité visqueuse, les affres de la compétition, les supplices de la jalousie. Dans le djebel une formule secrète pouvait transformer un champ d’ orties bordé de rosiers épineux en une scène de théâtre parfumée aux genets blancs.
Taghrid avait ainsi allié une infirmité originelle à un regard d’esthète : deux plateaux chargés, déchargés dont elle serait la gardienne à vie. Elle ferma les yeux et rejoignit ses photos de classe où jamais elle n'avait pu faire face à l ' objectif au bon moment.
Ces merveilleux regains d'un mouvement perpétuel, pointant de flirt en flirt, d ‘amant en amant ne purent cependant estomper les ombres car elle avait débarqué du ventre de la peur.
- Bonjour ma chérie,
Pour qu' à ton réveil tu sois, à condition d' ouvrir bien- grand tes yeux, heureuse d' entreprendre ta journée en relisant ce fil, tu maintiendras le feu qui couve de l 'autre coté de la mer, ma chère manipulatrice de coeur, et c'est dans
mes bras que tu prendras les ascenseurs qui te font si peur.
- La Reine de Sabba a entendu votre prière, prenez en note ne vous égarez plus sur les chemins mauvais de votre conscience tourmentée par de vains détours. Elle vous permet de rester agenouillé, par mégarde, vaniteux magnat caressant, murissant, unissant trois arabesques en un mourant projet de
vérité théologique sous mon voile arachnéen pendant que je frissonne .
-Cette condescendance est irrésistible, tu t'en doutes bien.Si tu pouvais rajouter un zest de mépris, ce serait parfait.
-La reine est restée silencieuse , muette, si ça ce n 'est pas du mépris, c'est que le mec n 'a rien pigé!
-Y -aurait t- il un lieu ou un moment spécifique pour un regard curieux et dans ce cas serait-il bien vu de se montrer nue agitée de la fièvre des ânesses devant son amant occupé à écrire des fadaises sur les religions?
-Des inepties prétentieuses à la mesure de son égo pédantesque ?
- Ânes et ânesses ont les mêmes jeux mais leurs mérites ne se comparent pas, tous les deux ont les mêmes armes vaniteuses et des armes plus musicales variant pareilles à une âme amidonnée dans les sommets des grands canions des Montaganes Rocheuses comme des montagnes de sucre d' orge
Étape par étape elle ne faisait que naitre et renaitre. Renaissance parlait.
Renaissance étant la carte XIII des tarot, squelette et faucille, personne ne pouvait s’ y tromper, la réalité de la renaissance intégrait la mort clinique.
La métaphore taraudait la vie de cette cigale maçonne. Cette remise à flots agissait en ressac , lui collait à la peau, rappliquant à tous les virages.
Le langage des poètes magnétisait Taghrid avec la même facilité que l’argot des
vendeurs de camelote , ce qui lui faisait dire » marasmical » au lieu de
mortel .N’était-ce pas plus musical?
Elle se mit à visiter les églises les cathédrales comme elle aurait visité des moulins à vent. Un jour poussant la porte d' un couvent up -state New York elle entendit les chants des moines orthodoxes.Elle regardait le mur blanc comme la résurgence d’ un temple de Mogador et se sentie envahie d' orthodoxie, enchâssée comme eux dans leurs rondins de bois
Au fil des ans à communiquer avec les auteurs, les philosophes, les mystiques, les chauffeurs de taxis ,il devint clair que entre renaissance et mort comme entre XIII et XIV des tarots de Marseille , il y avait un espace à occuper.
Comme il lui était naturel d’être ce qu’elle était là où ça se faisait sentir, de la peur, elle passa à l‘ arrogance, sans forcer.
Son propre univers se dilata en un magistral bidule : un passé en plongée, un présent sur la crête des vagues, les nuits sous les étoiles, les jours en brasse papillon.
Salam, Shlalm,
Sens - tu la douceur du jour qui vient? Suis -moi dans le chemin qui descend du djebel Tarik , c'est à mourir de splendeur. Je suis à Mellilla, je cours sur la plage déserte de Tarifa, je suis le sel , je sors de l 'eau, tu lèches ma peau , je cours vite, toi aussi. La très jeune fille a rejoint la femme que tu connais, tu es cet homme qui vient de me faire chanceler sur le sable, à qui je vais révéler que
je suis devenue sa possession depuis le premier instant où j 'ai vu que toucher c'était un commencement de douleur .
Avec la sagesse du Dieu qui avait perdu la tête pendant une nano seconde, elle ne fut soumise par plaisir qu' aux hommes .
Nager, flotter, parader, mais toujours parfumée d’eau de mer, elle sut coloniser les coquillages entre deux rives, entre le mellah et la capitale où elle débarquait avec son foulard à la main, ne sachant ni si elle le porterait ni si elle le jetterait par dessus bord avec ou sans tchador avec ou sans son Saint-Laurent.
-Tu sauras , Taghrid , quand Israël accomplissait le pèlerinage, les prêtres déroulaient pour eux la Parokhet, leur montraient les chérubins enlacés l'un à l'autre, ils leur disaient: "Voyez, votre amour devant Dieu est comme l'amour
du mâle et de la femelle".”
- Nous venons de nous parler Shlalm.Ta voix, vient se coller à ma peau comme un organe charnel et mystérieux , je bénis ce jour qui a mis de l 'or dans me yeux, je te comprends, oui, tu as raison, mille fois raisons, l'amour sexuel est profondément religieux. Je sens ta bouche s'aventurer, comme si tu ne voulais pas te séparer de moi , comme un lien de chair qui se répand , je crie mais tu
n'entends pas ...n 'arrête jamais c'est toi qui fais ce que je suis.

-Tu vis Sukoth depuis toujours et tu ne le savais pas. Il ne faut pas craindre la naïveté en cette matière . Il y a des gens qui sont mieux faits que d'autres pour la prière; je crois que tu es dans ce cas. N'hésite pas à reprendre le fil comme une prière je suivrai, d'une manière ou d'une autre.Tu as déchiré une partie du toit de la cabane pour recevoir la lumière dans la sukka .

- Tu es ma première actualité, mon petit soleil, je bois mon thé , je relis tes mots de fête, pour être sure que je suis bien vivante , que tu as une pensée pour moi,
Toutes les rives du Maghreb d’Est en Ouest par héritage, façonnaient son âme.
Elle vivait cette mer au goutte à goutte comme une perfusion distillée,   irriguée sans interruption, elle recevait leurs bienfaits, la vie l‘inondait, la mer c'était son pays, sa révélation, sa matrice depuis les siècles et les siècles . C'était ce que lui disaient le bleu, les sables andalous, qui négligeaient d'entendre les orages des autres sphères où la cupidité le pouvoir les religions s’exerçaient .
Un univers dilaté grâce à des nouvelles d'ailleurs générait d' autres personnages mariant le mode magique et le mode variable des humains. Une valeur ajoutée, en somme.
-Je ne vais pas tarder à aller me coucher.
-Tu as loupé une marche !
-C'est-à-dire ?
-C'est à dire que tu n 'as pas lu mes douceurs ou si tu les as lues , tu n ' y a pas répondu et moi je suis restée idiote
-Excuse-moi; j'ai lu, j'ai bien aimé, mais je ne trouvais rien à répondre sur
l'instant; je suis passé à autre chose puis je n'y ai plus pensé.
-C'est bien ça , tu n 'y as plus pensé,
moi, je me trouve aussi importante qu ' un chapitre, que deux chapitres
-Tu es un livre, tu es un catalogue, tu es une bibliothèque .Oui, il faudra quand même peut-être un jour réfléchir aux humeurs impulsives qui ont peut-être leur
légitimité ?
-Tu parles essentiellement pour moi ?
-Oui, je pense à toi et j'ai tort ?
- Réactions de femme trop près de l un,trop loin de l ‘autre dans une oasis de
soie qui peut se fendiller pour un rien , un voile inattendu sur une parole ,elle se froisse, un petit mot murmuré ,c’est un sourire.
-C'est, en effet, délicat!
En innocence, immunisée contre les agressivités de la vie, des anti-corps montaient une garde que d'autres plus savants appelaient le Vert-Galant.
Le Lycée n'avait été qu 'un lieu de libertés et de rendez-vous où elle pouvait briller si elle se donnait la peine de rester à étudier, ce qui déjà dénotait une façon sporadique d' être en vue et absente à la fois.
Pour le moment elle vivait sa liberté, sans se soucier de sa cote d'estime; le soleil, les rues de la vieille ville dans les bas-quartiers où il faisait si bon s'égarer pendant que les autres travaillaient apportait plénitude, exerçaient une effet bienfaisant. Mieux, ces ruelles devenant complices de ses escapades elle y sentait là une sérénité,
 l ‘abandon de ses insécurités.
A son insu c'est au cours de ses années de lycée que se mirent en place les déclencheurs qui allaient façonner ses images : les studieuses qui en imposaient mais qu ‘elle n’enviait pas , les insolentes qui la laissaient bouche bée, les rigolotes, les audacieuses qui fascinaient, les ambitieuses qu 'elle n 'avait pas su
détecter. Taghrid avait évolué dans cette humanité en herbe comme un île flottante .
Une traversée de la Mer Rouge en partie menée par mon père, majesté de monarque aux aux semelles cent fois réparées.
Ventre à terre, la peur demeurait tapie ,réduite à une conscience émincée à peine engourdie pour ne pas la déstabiliser .
L’apprentissage de la vie ne concernait pas cette fille remodelée dans une argile dorée d’ un bleu incandescent, intérim entre deux marabouts, sans espoir de se voir jamais attribuer le droit d'entendre la prière du mufti aux premières heures du jour .
Taghrid jouerait son rôle nue, vraie, dépouillée comme si demain ne devait que réchauffer son corps, comme si la magie de ce pays ne devait être qu 'éphémère, comme si elle savait tout d'avance.

Adoratrice des sons et lumières, des rondes de nuit, initiée au monde de l ' union des opposés, radieuse et éteinte à tour de rôle, Taghrid avait désodorisé son enfance fragile des miasmes de la peur . Les mains collées sur le chaudron, rien ne pourrait plus jamais donner à savie un plus grand bonheur .
-Shlalm, voyez -vous comme moi les vertus du virtuel ? Nous ne saurons jamais quelle est votre surcharge pondérale d' autre part vous ne saurez jamais que je suis obèse, et nous continuerons tous à voler, survoler, s'envoler et nous voler dans les plumes , en ce qui me concerne , je revendique le plumage le plus chatoyant pour vous , je ne sais pas .

Ces merveilleux regains de mouvement perpétuel, de mariages et de divorces fit de Taghrid pour une éternité une femme de cent ans toujours belle
Cette femme possédait une vertu bienfaisante : elle avançait de commencement en commencement, comme ces avions qui ne faisaient que des départs .

 

Entre chaque chapitre , un petit mot de sagesse venu je ne sais
d' où qui me remettra les idées en place.


 Après Chapitre  V

Nommer sa peur c'est déjà la mettre dans les magnifique mot de Sartre .
Les mots purs ont déjà perdu leur sens quand ils ont été dénoués de leur source de vie, comme artiste et conduite d'artiste, comme clair de lune et clarté de la nuit, comme arme de chasse et soudard de l 'amour, comme menuet et amant de papier , comme armurier d' argenterie des rois et simulacre de royauté .



 

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