lundi 20 mai 2013

Ce qui fait aussi la différence entre la France et la Corse



Hopital Saint Antoine à Paris
La France Année soixante dix.



Je ne sais plus comment toute ma famille s'est trouvée rassemblée dans une salle de cet hôpital Saint- Anne à Paris, mais nous étions tous là. Le frère de papa et sa femme, ma mère, moi, cousin Paul , sa femme . Ma grand-mère , la mère de papa n 'était pas avec nous, trop vieille, trop fragile pour être trimballée d' un hô­pital à un autre .
Papa qui était isolé dans un salle spéciale se mourait seul. Interdiction de le voir, on nous a tous refoulés on s'est retrouvé assis en rond dans une salle sans nom; je regardai mon oncle ef­fondré , le cardiologue fameux qu' il était n 'avait pas pu sauver son frère . Je ne me souviens pas de la tête de ma mère , je crois qu 'elle fut stoïque pour nous tous .
Depuis cinq jours qu 'il avait été transporté de­puis un autre hôpital , je rendais visite à mon père chaque jour. C'était une ombre que je visi­tais, mais je parlais à cette ombre, je voulais lui insuffler toute mon énergie, le ramener vers nous de toutes mes forces.
Je me souviens d'avoir couru dans les couloirs derrière les infirmières, n' import la quelle je me souviens d' avoir voulu parler au Professeur Claude. Mon père voulait se jeter contre le mur tant sa douleur était forte.
Enfin , je vis venir vers moi ou peut être n 'était-ce pas vers moi, un petit type, sec entouré
d' étudiants. Comme je lui demandais de venir au secours mon père qui se tordait de douleurs il me demanda son nom.
Il ouvrit alors un dossier :
- « le numéro 212 ! en long en large et en tra­vers , je peux vous dire Madame, que votre père va mieux et que nous lui avons donné des cal­mants ».
Il repartit comme un chef.
L'autorité d' un responsable d' hôpital ne se dis­cute pas , mon père mourait le len­demain .
 Vers vingt heures on nous demanda de quitter les lieux .
Comment avons - nous pu obéir à cet ordre inhu­main ? Comment avons- nous pu nous montrer si do­ciles ?
C'est à coups de cravache que j 'aurai du ré­pondre à cette parade de monde civili­sé.
Chacun a repris le chemin de sa maison .
Sur le trajet du retour , je notais sur une pendule de rue neuf heures .
Quand maman a ouvert la porte, nous nous sommes effon­drés dans la salle à manger. Je notais alors que la pendule marquait neuf heures.
Quel sentiment me prit ? Je me précipitais sur mon tourne disque et inondais la maison d' un concerto de Rachmaninov.
Je le remis plusieurs fois sans que ni maman ni les autres aient fait la moindre objection.
Le téléphone sonna une heure plus tard et une voix nous dit :
« Monsieur Caggini s'est éteint à neuf heures »
Je regardais instinctivement la pendule , il était toujours neuf heures, je courais voir les autres réveils d e la maison , tous étaient fixés à neuf heures.
Cela eut un sens pour moi .
Nous venions d' arriver en France, Papa fut transporté temporairement dans un cimetière inconnu de nous à quelques km de Paris, je
n 'avais qu ' un manteau , il était jaune , je le mis et personne ne m ' a reconnue , j 'étais méconnaissable de dou­leur.

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