mardi 2 août 2016

Missa humana. La Messe en si mineur de Johann Sebastian Bach par John Eliot Gardiner _ Wunderkammern.htm


http://wunderkammern.fr/2016/01/17/missa-humana-la-messe-en-si-mineur-de-johann-sebastian-bach-par-john-eliot-gardiner/

 Suiveur de Rembrandt Le Christ au bâton


Comme son confrère Philippe Herreweghe qui a gravé, en 2011 pour son label Phi, une troisième version de l’œuvre, sans doute la plus aboutie dans l’esthétique propre à ce chef, John Eliot Gardiner a donc éprouvé le besoin de fixer une nouvelle et probablement dernière fois l’état de sa réflexion sur la Messe en si mineur, après avoir enregistré, ce qui est loin d’être insignifiant, l’intégralité des cantates sacrées de Bach lors des concerts de son fameux Pilgrimage. Un des choix qui distingue radicalement cette nouvelle lecture de l’écrasante majorité des autres est le fait qu’elle ne recoure pas à une brochette de chanteurs renommés mais à des membres du chœur pour assurer les parties solistes, une option historiquement plausible que Gardiner avait déjà suivie en 1985. Sans doute y perd-on en lustre, mais on y gagne un appréciable sentiment de cohérence d’ensemble et il serait, en outre, injuste de dire que les voix retenues ici déméritent ; à l’exception des deux basses que l’on ne sent pas complètement à l’aise lorsque l’écriture sollicite trop fortement leur virtuosité, elles sont, au contraire, globalement de très bon niveau, voire excellentes en qui concerne la soprano Hannah Morrison et le ténor Peter Davoren, dont chaque intervention révèle une réelle maîtrise, et surtout d’une implication sans faille. Cet engagement est également évident tant au niveau du superlatif Monteverdi Choir, dont on retrouve les habituelles qualités de discipline, de précision dans les attaques et de transparence dans le rendu de la polyphonie, que des English Baroque Soloists, à l’intonation impeccable et à l’articulation ferme, débordants de vitalité et de couleurs, et dont le sens de la relance et la complicité laissent admiratifs. À la tête de forces de cette envergure, John Eliot Gardiner livre de la Messe en si mineur une interprétation extrêmement pensée du point de vue de la rhétorique, avec des accents marqués sans être assénés, des rythmes soulignés sans brutalité, et une véritable ampleur dénuée de lourdeur qui fait paraître certains de ses concurrents bien pâles (Rademann), empesés (Hengelbrock), raides (Harnoncourt II), esthétisants (Savall) ou superficiels (Koopman), tous réécoutés, entre autres, à l’occasion de l’écriture de cette chronique. Il se dégage de la lecture du chef britannique une urgence qui bannit la gesticulation au profit de la ferveur mais surtout une humanité qui m’a profondément ému, deux éléments que l’on ne sentait pas avec autant de force dans la gravure de 1985 qui pêchait quelquefois par des excès démonstratifs et un léger manque d’humilité ; si sa Messe était peut-être, pour Bach, une manière de résumé d’une existence de musicien d’église, la vision qu’en livre Gardiner est pour lui, de façon palpable, l’aboutissement d’un long chemin effectué, parfois dans des conditions matérielles et avec un accueil critique difficiles, en compagnie des œuvres du Cantor, et cette rencontre offre à ce disque un indiscutable supplément de densité.

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