Terre des hommes au sein des eaux.
La foi t’arrive un jour sur le coin de la figure.
C’est un temps.
L 'exil et le reste enfantent un art bricolé de mots en couleurs de géométries non identifiées .
L’insaisissable saisi par une artiste de la vie qui joue la vie en somme.
Créé effacé, ce monde à l’envers, image magie, gone with the wind.
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Murs détruits gommage des histoires des familles déchirées.
Comme si chacun obéissait à un autre soi-même laissant à nos coeurs effondrés la trace de nos routes suivies ensemble.
Mes parents,laissez moi vous rencontrer ne serait-ce qu’en rêve pour que le bonheur m’effleure,une fois encore dans un éblouissement de mers et de soleils. De mes parents je ne parlerai jamais assez et jamais assez bien.
Les images inestimables figées de mon père, au milieu de la route entre La Senia et Oran, ses grands bras levés: c est l ultime vision que je garde de lui.
Un convoi militaire avait dû nous escorter depuis Mostaganem jusqu à l’aéroport car des embuscades en avaient laissé quelques uns sur le goudron. Les familles arrivaient par centaines de toutes les petites villes de l'intérieur; on pouvait les voir de loin jonchées sur le sol semblables à des décharges humaines vidées de leur passé, qu 'elles laissaient sur le bas coté.
Destination: inconnue
But inconnu.
France, terre inconnue pour la plupart d' entre nous et tout ça avant d' aborder la langue inconnue du coeur à notre égard ,celle des français de France .
Naïveté de mes chers algériens qui allaient une fois de plus se faire empapaouter sur la glorieuse esplanade de la France par une succession de gouvernements plus pleutres les uns que les autres.
La veille à six heures du matin nous avions visité l’orangeraie du domaine familial située à quelques kilomètres de Mosta en compagnie de notre gardien arabe. Les enfants tiraient la djellaba du vieux Kheis, en signe de complicité tandis que lui, hiératique,ému silencieux appuyé sur sa canne nous buvait des yeux . Nous vivions sous le même toit. Moi-même j‘avais fini de grandir sous ses yeux. Il parlait à mes bébés en arabe .Il les avait vus revenir de la clinique du docteur Jourdan quelques jours après leur naissance déchargeant le panier en osier de mon enfant avec délicatesse, respect tendresse, route de la marine. Mon beau-père l’avait recueilli quand il cherchait du travail. J’étais arrivée dans cette famille en touriste et le vieil arabe avait flairé mon coté indigène.
Personne dans notre famille aurait jamais pensé que Kheiss serait un jour sous un autre toit que le notre .
Nous avions enterré Grand Maman ensemble. Grâce à elle tout individu transitant par la cuisine savait comment Relizane n’avait vu de Louis -Philippe que la poussière de sa calèche sur les chemins de terre.
Elle avait dix-sept ans. Sa famille venait de Saint-Affrique, dans l‘Aveyron. Nous sommes français, nous!me disait -on déjà . Quelques uns des leurs avaient succombé aux fièvres. Les plus résistants n’avaient pas compté leurs heures, ils n’étaient pas syndiqués, les bougres.
Kheiss n avait pas de famille, il nous avait. Sa compréhension de la situation était dépassée par son angoisse. Une photo eut été indigne car à cet instant aucun de nous n 'était celui de la veille, nous étions tous empoignés par l’émotion, émulsionnés par avance sur le parchemin de l' histoire, suspendus comme dans l'attente d un miracle toujours possible, alors que nous étions déjà fixés sur la pellicule vivante de cette situation irrévocable .
Aucune estompe dans nos mémoires pour affadir la silhouette du vieil Arabe quand il faisait les cuivres au soleil sur la terrasse de la maison. Après le tremblement de terre d’Orléansville, j’étais restée terrorisée, assise jusqu’à l’aube avec lui sur le perron avant de regagner ma chambre. C’est là que nous parlions la même langue
Notre maison est devenue un commissariat de police Je me demanderai toujours si le petit palmier que nous avions planté dans un coin du jardin d’entrée a survécu sans défaillance.
Je sais que la mémoire des émotions ne se déchire jamais, elle appartient à la grande Histoire. Celle qui se livre d’une génération à l’autre et que les livres s’appliquent à taire.
Le jour de notre départ ton grand père a remis la clef de la maison au futur responsable politique, en toute simplicité, chacun dans son rôle.
Le notre de notre Algérie s'est limité à cet échange silencieux partagé avec un serrement de coeur partagé .
Nous ne nous sauvions pas il ne s'esquivait pas nous nous sommes salués avons échangé des embrassades inconscients et conscients du point de rencontre de deux rôles provisoirement tenus par des anonymes, futurs inconnus de l'histoire de notre Algérie.
Ni les parfums de l'Arabie, ni les roses d'Ispahan n'auront jamais ce parfum vaporeux qui se transformait librement pas à pas, au gré de notre marche en un chant plaintif gorgé des vibrations magiques de fleurs d'orangers. Vapeurs d’amour nées des citronniers d’Ain -Tedeles. Eux et nous savions que nous échangions nos derniers effluves.
Comme tout le monde, nous abandonnons notre Panhard dans les champs en arrivant à l’aéroport. Nous sommes trois ou quatre cents personnes venues des petites villes alentour, surprises étalées par terre, les vieux, les vieilles comme les autres.
Savent-ils?
Ils vivent l’aventure de leur pays sur sièges éjectables. Le long des pistes comme tous les autres enfants, ta soeur Florence.et toi n’avez eu de cesse de courir d un groupe à l'autre, recevant un verre de limonade chez les uns,un sandwich chez les autres,
liant connaissance avec d’ autres enfants, comme des petits oiseaux en liberté avant de tomber endormis, enroulés dans les couvertures prêtées par l’armée.
Personne ne nous dit combien de temps nous resterons là, personne ne peut nous renseigner sur le nom de la ville où nous atterrirons.
Nous savons seulement que nous prenons un vol. En tout cas, il n y a pas de cris, pas de gémissements, et pour un peu, de loin, à tire-d’aile, on pourrait croire à une garden-party géante entre gens de bonne compagnie qui auraient eu l‘idée originale de s’abandonner aux plaisirs de voir atterrir des gros porteurs bruyants à quelques mètres d’eux ,inconscients qu’ils sont devenus de leur propre implication dans un lieu et un temps donnés.
Acteurs d un club géant de vieux travailleurs prêts à se dépouiller, une orangeade à la main des fruits d’une portée de quatre générations d’hommes courageux coupables de s’être laissés entraîner dans une aventure historique coloniale.
On nous déplacera dans un avion dont personne ne sait ou il nous conduira ; le nom du pilote: Trahison .
Demain, sera le jour de ton anniversaire. Je m’aperçois que un par un, nos souvenirs prennent une distance variant très doucement pour laisser place à une nouvelle forme de ta vie à la quelle je m'accroche en étirant mes bras jusqu’ au ciel.
Dans le ventre de l’Amphore, je commence à naître, je me communarise, je suis toi et moi à nouveau unis, re-unis.
Un apaisement venu je ne sais d où s’installe de façon intermittente.
Antoni, toute ma vie a tourné, pour la première fois mes souvenirs sont superflus. Mon moi dépouillé, les souffrances endormies, la vanité des mots,
une autre forme de vie se sont mis en vrille en silence.
La mère, l’amphore, filtres des eaux magiques sans cesse distribuées, ont accompli l’OEuvre en partie.
Mères, une fois, Mères à l’infini.
Un homme est passé, il y a deux mille ans.
Les institutions s’en sont emparées, mais je crois qu 'il s'en est échappé pour chuchoter à chacun de nous que nous pouvons compter sur lui et lui parler en toute circonstance.
Là était l’essentiel de sa mission.
Que reste t- il quand un homme est passé Antoni?
-un petit morceau de ciel en pierre
Je ne parle qu’à la Méditerranée où se situe l'amphore de nos vies.
ceci n’est que la fin de ce livre .
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