Poursuivi après la Seconde Guerre mondiale pour avoir vendu un
Vermeer au numéro deux du régime national-socialiste Hermann Goering,
Han Van Meegeren plaida que le tableau en question avait été réalisé par
ses soins. Devant l'incrédulité générale, il en refit un confiné en
résidence surveillée. Et n'écopa que d'un an de prison. Décédé avant son
incarcération, Van Meegeren n'a jamais purgé sa peine. Cette année-là,
en 1947, un journal hollandais estima qu'il était le deuxième homme le
plus populaire du pays, après le premier ministre.
• Le mythique: Elmyr de Hory
Montparnos qui vendait mal ses toiles, Elmyr de Hory
(1906-1976) a fait fortune en imitant les modernes, de Renoir à
Matisse. Son âme damnée était Fernand Legros, marchand glamour qui
écoulait ses faux auprès de magnats texans. Son meilleur hagiographe fut
Orson Welles qui, en 1973, lui consacra un documentaire vertigineux
avec François Reichenbach. Le génial auteur deCitizen Kane, fasciné par les prestidigitateurs et magicien lui-même, livre à travers ce F for Fake (Vérités
et mensonges) sa vision du monde: tout n'est qu'illusion,
mystification. À commencer par l'art. Elmyr de Hory a toutefois fini ses
jours en avalant des barbituriques pour éviter la prison. Un procès
retentissant avait commencé où lui et Fernand Legros se dénonçaient
mutuellement.
• Le soldeur: David Stein
Né à Colombes, Henri Abel Abraham Haddad (1935-1999)
est passé à la postérité sous le nom de David Stein, un de ses quatorze
pseudonymes. Multirécidiviste, alternant richesse et misère, il bradait
ses faux Matisse, Picasso, Braque, Klee, Miró ou Cocteau, sous la
pression de professionnels véreux. En 1966, Chagall en visite à New York
le confond. L'homme devient médiatique, il explique au juge, puis aux
journalistes, ses ficelles. En 1976, il publie Le Roman d'un faussaire chez Olivier Orban, préface de Fernand Legros. Dans The Moderns,
réalisé par Alan Rudolph en 1988, il joue un critique d'art sans trop
se forcer. L'année suivante, exploit: ses Superman signés Andy Warhol
sont exposés au MoMA de New York. Un bel hommage, deux ans après la mort
du maître des boîtes de soupe Campbell déclinées à l'échelle
industrielle.
• Le fils prodigue: Shaun Greenhalgh
On doit non pas à Gauguin mais à l'Anglais Shaun Greenhalgh une Tête de faune sculptée,
acquise par l'Art Institute de Chicago 2001, admirée à l'exposition
«Van Gogh-Gauguin» l'année suivante au Musée Van Gogh d'Amsterdam.
Malheureusement pour Shaun Greenhalgh, son père n'est pas aussi
talentueux que lui. Le British Museum et la maison de vente Bonhams ont
prouvé que les reliefs assyriens qu'il proposait étaient des faux. Et,
de fil en aiguille, la famille a été confondue.
• Le scientifique: John Myatt
Imiter un
Gleizes, un Bissière, un Chagall, un Giacometti, un Dubuffet ou un
Nicolas de Staël n'est pas le plus difficile. Pour parfaire les quelque
deux cents faux peints par le Britannique John Myatt (arrêté en 1995),
son compatriote mythomane John Drewe se chargeait de leur inventer une
traçabilité. Il fabriquait des certificats d'authenticité et des
factures de ventes anciennes avec de vrais papiers à en-tête. Il
maquillait les provenances en truquant les archives familiales ou
publiques. Celles du Victoria and Albert Museum de Londres notamment.
Myatt ne possédait certes pas le doctorat en physique nucléaire qu'il
prétendait avoir mais c'était un bon chimiste: il utilisait la poussière
accumulée dans de vieux aspirateurs pour tromper les analyses des
œuvres. Il a écopé de plusieurs années de prison, dont certaines avec
sursis en échange d'une éclairante coopération.
• Le modeste: Ken Perenyi
Il est longtemps passé sous le radar. Mais en 2012,
la biographie de ce talentueux copiste officiel de toiles anciennes,
intitulée Caveat emptor («que l'acheteur soit vigilant» en latin)
a fait, outre-Atlantique, l'effet d'un pavé jeté dans la mare du marché
de l'art. L'homme y révèle dans le détail comment il avait fabriqué, et
écoulé, un bon millier de faux. Sa recette? Privilégier les toiles de
petits maîtres anglais ou américains des XVIIIe et XIXe siècles. De
préférence les moins connus, les mal répertoriés. Ceux dont la vie et la
carrière comportent des lacunes et qui présentent une production
abondante. Une de ses œuvres, un pseudo Martin Johnson Heade (peintre
américain né en 1819 et mort 1904) a dépassé les 700.000 dollars aux
enchères à New York en 1993. Des extraits des catalogues de galeries et
de maisons de ventes où figurent ses toiles apparaissent dans son livre,
dont les droits d'exploitation cinématographique ont été acquis par les
studios RKO.
• L'anachronique: Wolfgang Beltracchi
De 1990 à 2010, avec son épouse, la sœur de celle-ci
et un ami, l'Allemand Wolfgang Beltracchi a produit des dizaines de
faux. Des Derain, Léger, Pechstein, Campendonk et des Max Ernst. L'un de
ces derniers a été exposé au Metropolitan Museum de New York devant les
meilleurs connaisseurs dont la veuve de l'artiste. Qui n'ont rien vu…
Poursuivi pour quatorze tableaux vendus 34,1 millions d'euros, on
soupçonne l'équipe de quantité d'autres contrefaçons. Le couple aurait
pu continuer longtemps à sévir. Mais il s'est trompé en fabriquant une
étiquette de marchand d'art d'avant-guerre qui ne correspondait pas à
celles répertoriées. La découverte de cette incohérence dans le pedigree
d'une œuvre a eu pour conséquence un scandale international.
• Le grossiste: Pei-Shen Qian
Il
est en fuite. Pour le compte d'une intermédiaire qui a plaidé coupable
en 2013, et qui attend actuellement sa sentence, Pei-Shen Qian peignait
pour 500 dollars pièce des De Kooning, Motherwell, Sam Francis, Warhol,
Clyfford Still ou Barnett Newman. Dans son atelier du Queens, cet homme
d'origine chinoise faisait vieillir ses toiles avec de la poussière et
des extraits de thé. Son nom apparaît dans l'affaire d'un faux Pollock
vendu à un directeur belge d'un fonds d'investissement à risque. Puis
lors d'une plainte déposée en novembre 2011 par Domenico De Sole. Cet
ancien patron des maisons Tom Ford et Gucci, aujourd'hui président de la
maison de ventes aux enchères Sotheby's, s'est retourné contre la
prestigieuse galerie d'art new-yorkaise Knoedler & Co qui lui avait
vendu un autre faux Rothko vrai Qian, pour 8,3 millions d'euros. Le
10 février dernier, avant comparution, le dossier a fait l'objet d'un
règlement amiable dont les termes n'ont pas été divulgués.
Knoedler & Co, qui a fermé boutique, a fait valoir sa bonne foi… et
son extrême embarras: par son canal et celui d'une autre galerie,
63 faux ont été dispersés entre 1994 et 2009. Resterait une trentaine de
victimes, dont le Kemper Museum of Contemporary Art de Kansas City.
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