jeudi 3 mars 2016

Lettre de Marguerite Duras à Yann Andréa:



http://www.huffingtonpost.fr/morgane-ortin/lettre-de-marguerite-duras-a-yann-andrea_b_9353428.html?utm_hp_ref=france



Yann,
Je suis levée depuis 5h1/2 du matin.
Je dormirai dans l'avion. Je suis très troublée parce que je ne sais pas ce que vous me reprochez exactement. Je ne peux quand même pas me taire ou cacher ma position sur la pédérastie. Pourquoi le ferai-je ? Vous n'êtes pas à vous seul la pédérastie. Vous me la renvoyez beaucoup plus violemment encore. Je n'existe plus, je suis niée au plus profond de moi-même, je me sens coupable de tout, de faire le poulet au curry hier soir, de m'approcher de vous, etc. Je ferme la porte de ma chambre la nuit parce que si je la laisse ouverte, vous allez croire que... Ne craignez plus rien dans ce sens, ma « demande » n'existe plus à ce niveau-là. [...]
Vous êtes quelqu'un de différent, nous sommes différents dans la plus grande des différences, celle de la sexualité : je le sais totalement depuis huit jours, depuis que vous l'avez déploré, que vous vous en soyez plaint auprès de vos amis, à Neauphle (et aussi auprès de moi -- sans que je saisisse très bien alors ce que vous vouliez dire). [...]
Oui, je vous aimerai toujours. J'ai peu à vivre, certes, mais l'amour de vous occupera ce dernier temps tout entier, je l'espère de toutes mes forces. Je ne sais pas ce que nous allons devenir avec, entre nous, cette nuit infranchissable dressée par votre pédérastie. Je n'ai rien à opposer à son atroce verdict, rien : rien ne fera que j'aie une bitte [sic], rien. Alors, est-ce qu'une vie commune peut s'installer entre nous dans ce cas ? Je ne la vois pas. Je ne peux pas -- tous mes livres le crient -- séparer l'amour et le désir. [...]
Vers quelles eaux tièdes de l'horrible tendresse allons-nous ? Enfin, nous verrons bien. J'essaierai de vous téléphoner de Taormina.
Marguerite.

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