lundi 14 mars 2016

Reflets des arts : Clair obscur chez Antonello da Messina


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Puissance et froideur exacerbée jusqu’à l’incandescence de l’Annunciata chez Antonello da Messina.
Assidûment attirée par cette œuvre de marbre sans union charnelle avec le ciel, je reviens voir la jeune fille qui surgit brutalement de l’obscurité d’un rêve de peintre s’insinuant dans le lieu improbable du rêve, passé le dernier froissement d’aile de l’ange. Paradoxe d’une vierge dépouillée de la tradition, délogée sans pouvoir la réinsérer dans son temps car son temps est notre temps. Le temps éclipsé de l’art, de la chapelle, du monastère.
Je suis là, ma curiosité ranimée rebondissante à scruter pour savoir si je ne serais pas passée à côté de la partie cachée du voile de cette Vierge. Le temps de deux battements de cils à sonder la partie qui appartient à la terre et celle qui appartient au ciel, parce que le ciel est absent avec cet équilibre parfait d’un édifice monumental alors que c’est une très petite toile.
Perdre la raison et croire en Dieu avec elle ?
Perdre la vanité du mot Réalité ?
That is the real meaning of perdre les pédales.

Antonello da Messina témoigne d’une vision sans être entraîné par l’émotion du rêve de Marie. Un jeu de distance entre le peintre et son modèle. C’est un peintre du futur dans le monde chrétien car celle qui est « annoncée » dans la grandeur des bleus et la voracité du noir, cette Marie pourrait aussi être Meryem l’arabe : مريم, la madone devant la Kaaba. Rien de ce portrait pourrait faire penser à une jeune juive entravée dans la tradition chez les Juifs du Moyen Orient.

La vierge de l’Annonciation ne soumet pas à l’attendrissement.
Je suis face à une jeune fille consciente, qui a repris ses esprits après avoir été fortement saisie de stupéfaction. Regard presque dénué d’expression, un embarras qui pourrait poursuivre le spectateur. Observation plus que sérénité dans le regard de cette jeune paysanne au grand voile sans ornementation, style haute couture.
C’est une œuvre échappée comme son sujet, comme l’ange.
Il y a un vent du Nord dans cette toile qui se serait payé un petit tour en Sicile comme si son créateur avait simplement agi par esprit de partage avec les peintres Flamands qu’il regardait.

Visage où une indécision se murmure aux coins de la bouche. Au premier abord, je n’en avais pas ressenti toute la force, puis c’est là le lien où entre le doute : une bouche fermée, un son qui ne peut sortir. Soudain le choc d’un ancrage dans les rites artistiques du vingtième siècle donnant à son œuvre une lumière bien plus magnétique que celle des résonances d’une grande explication d’un savant savantissime. Étonnante peinture de la Renaissance qu’un Picasso aurait pu signer. Le triangle du voile, les triangles, le monde en trois dimensions ; à l’envers l’image affiche la forme ovoïde du visage. Le ton bleu sombre du voile, le ton miel du visage : la terre et la naissance avec la minuscule tache de rouge sang au centre du tableau.
Besoin de voir les traces de l’ange ? Elle regarde le sol dans la toile murée dans un virginal silence. Œuvre narrative d’un mot et d’un geste dans la promesse d’un rituel mystique. Tout a été clairement et sobrement exposé sans or ni draperies.

Discrétion, autorité naturelle de la main droite, signe de chaman, main gauche appuyée sur le pupitre dans le même temps maintient la page ouverte et le voile qu’elle veut garder fermé : attitude familière d’une jeune vierge qui se dérobe au regard de l’étranger. La conversation est engagée qui échappe à la représentation conventionnelle de l’Annonciation puisque l’Ange Gabriel est le grand absent dans l’espace du tableau.

La communion de la terre et du céleste donne à penser vérité et anti-vérité, mariage du feu et de l’eau, ce qui donne foi et loi en parité, source de malentendu, prière et art de passer de la matière au monde de l’esprit. Du paradigme au magique du monde de la terre et du magique de l’art dans l’amitié des cieux.
L’Art du peintre fut d’avoir eu la vision fantastique de l’étincelle du premier rayon du soleil dans un rêve où l’on n’entre pas par effraction.
Musarder, colorer les imaginaires des musiciens des mots, peindre avec Charles d’Orléans, ou imiter son maître Antonio Colantonio sans devenir le clone mort-né de ses pigments ni perpétuer sa manière d’exposer à tous les dangers un Saint Jérôme en ouvrant la cage aux lions fut la quintessence de l’art de Antonello da Messina.

Au delà du portrait il y a l’homme dans toute sa puissance encore captive de son temps autant qu’en avance de cinq siècles d’une aventure où la foi, l’œil du bon et du mauvais goût, la décohérence et son contraire, l’harmonie prise en défaut, le tout et le rien ont inondé la terre.
La terre où le son et la lumière sont indestructibles, où le génie de l’artiste est un grand pari entre comparaître entre un tribunal du petit commerce et une petite multitude de trois ou quatre cents mercenaires de béni-oui-oui répartis dans les chapelles de faiseurs d’art, tous nés dans le même berceau.
Emprise des sens dans le vertueux doute dont Jésus fut le fils sans nom et sans père.

    





Puissance et froideur exacerbée jusqu’à l’incandescence de l’Annunciata chez Antonello da Messina.
Assidûment attirée par cette œuvre de marbre sans union charnelle avec le ciel, je reviens voir la jeune fille qui surgit brutalement de l’obscurité d’un rêve de peintre s’insinuant dans le lieu improbable du rêve, passé le dernier froissement d’aile de l’ange. Paradoxe d’une vierge dépouillée de la tradition, délogée sans pouvoir la réinsérer dans son temps car son temps est notre temps. Le temps éclipsé de l’art, de la chapelle, du monastère.
Je suis là, ma curiosité ranimée rebondissante à scruter pour savoir si je ne serais pas passée à côté de la partie cachée du voile de cette Vierge. Le temps de deux battements de cils à sonder la partie qui appartient à la terre et celle qui appartient au ciel, parce que le ciel est absent avec cet équilibre parfait d’un édifice monumental alors que c’est une très petite toile.
Perdre la raison et croire en Dieu avec elle ?
Perdre la vanité du mot Réalité ?
That is the real meaning of perdre les pédales.

Antonello da Messina témoigne d’une vision sans être entraîné par l’émotion du rêve de Marie. Un jeu de distance entre le peintre et son modèle. C’est un peintre du futur dans le monde chrétien car celle qui est « annoncée » dans la grandeur des bleus et la voracité du noir, cette Marie pourrait aussi être Meryem l’arabe : مريم, la madone devant la Kaaba. Rien de ce portrait pourrait faire penser à une jeune juive entravée dans la tradition chez les Juifs du Moyen Orient.

La vierge de l’Annonciation ne soumet pas à l’attendrissement.
Je suis face à une jeune fille consciente, qui a repris ses esprits après avoir été fortement saisie de stupéfaction. Regard presque dénué d’expression, un embarras qui pourrait poursuivre le spectateur. Observation plus que sérénité dans le regard de cette jeune paysanne au grand voile sans ornementation, style haute couture.
C’est une œuvre échappée comme son sujet, comme l’ange.
Il y a un vent du Nord dans cette toile qui se serait payé un petit tour en Sicile comme si son créateur avait simplement agi par esprit de partage avec les peintres Flamands qu’il regardait.

Visage où une indécision se murmure aux coins de la bouche. Au premier abord, je n’en avais pas ressenti toute la force, puis c’est là le lien où entre le doute : une bouche fermée, un son qui ne peut sortir. Soudain le choc d’un ancrage dans les rites artistiques du vingtième siècle donnant à son œuvre une lumière bien plus magnétique que celle des résonances d’une grande explication d’un savant savantissime. Étonnante peinture de la Renaissance qu’un Picasso aurait pu signer. Le triangle du voile, les triangles, le monde en trois dimensions ; à l’envers l’image affiche la forme ovoïde du visage. Le ton bleu sombre du voile, le ton miel du visage : la terre et la naissance avec la minuscule tache de rouge sang au centre du tableau.
Besoin de voir les traces de l’ange ? Elle regarde le sol dans la toile murée dans un virginal silence. Œuvre narrative d’un mot et d’un geste dans la promesse d’un rituel mystique. Tout a été clairement et sobrement exposé sans or ni draperies.

Discrétion, autorité naturelle de la main droite, signe de chaman, main gauche appuyée sur le pupitre dans le même temps maintient la page ouverte et le voile qu’elle veut garder fermé : attitude familière d’une jeune vierge qui se dérobe au regard de l’étranger. La conversation est engagée qui échappe à la représentation conventionnelle de l’Annonciation puisque l’Ange Gabriel est le grand absent dans l’espace du tableau.

La communion de la terre et du céleste donne à penser vérité et anti-vérité, mariage du feu et de l’eau, ce qui donne foi et loi en parité, source de malentendu, prière et art de passer de la matière au monde de l’esprit. Du paradigme au magique du monde de la terre et du magique de l’art dans l’amitié des cieux.
L’Art du peintre fut d’avoir eu la vision fantastique de l’étincelle du premier rayon du soleil dans un rêve où l’on n’entre pas par effraction.
Musarder, colorer les imaginaires des musiciens des mots, peindre avec Charles d’Orléans, ou imiter son maître Antonio Colantonio sans devenir le clone mort-né de ses pigments ni perpétuer sa manière d’exposer à tous les dangers un Saint Jérôme en ouvrant la cage aux lions fut la quintessence de l’art de Antonello da Messina.

Au delà du portrait il y a l’homme dans toute sa puissance encore captive de son temps autant qu’en avance de cinq siècles d’une aventure où la foi, l’œil du bon et du mauvais goût, la décohérence et son contraire, l’harmonie prise en défaut, le tout et le rien ont inondé la terre.
La terre où le son et la lumière sont indestructibles, où le génie de l’artiste est un grand pari entre comparaître entre un tribunal du petit commerce et une petite multitude de trois ou quatre cents mercenaires de béni-oui-oui répartis dans les chapelles de faiseurs d’art, tous nés dans le même berceau.
Emprise des sens dans le vertueux doute dont Jésus fut le fils sans nom et sans père.




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