Puissance et froideur exacerbée jusqu’à l’incandescence de l’Annunciata chez Antonello da Messina.
Assidûment
attirée par cette œuvre de marbre sans union charnelle avec le ciel, je
reviens voir la jeune fille qui surgit brutalement de l’obscurité d’un
rêve de peintre s’insinuant dans le lieu improbable du rêve, passé le
dernier froissement d’aile de l’ange. Paradoxe d’une vierge dépouillée
de la tradition, délogée sans pouvoir la réinsérer dans son temps car
son temps est notre temps. Le temps éclipsé de l’art, de la chapelle, du
monastère.
Je
suis là, ma curiosité ranimée rebondissante à scruter pour savoir si je
ne serais pas passée à côté de la partie cachée du voile de cette
Vierge. Le temps de deux battements de cils à sonder la partie qui
appartient à la terre et celle qui appartient au ciel, parce que le ciel
est absent avec cet équilibre parfait d’un édifice monumental alors que
c’est une très petite toile.
Perdre la raison et croire en Dieu avec elle ?
Perdre la vanité du mot Réalité ?
That is the real meaning of perdre les pédales.
Antonello
da Messina témoigne d’une vision sans être entraîné par l’émotion du
rêve de Marie. Un jeu de distance entre le peintre et son modèle. C’est
un peintre du futur dans le monde chrétien car celle qui est
« annoncée » dans la grandeur des bleus et la voracité du noir, cette
Marie pourrait aussi être Meryem l’arabe : مريم, la
madone devant la Kaaba. Rien de ce portrait pourrait faire penser à une
jeune juive entravée dans la tradition chez les Juifs du Moyen Orient.
La vierge de l’Annonciation ne soumet pas à l’attendrissement.
Je
suis face à une jeune fille consciente, qui a repris ses esprits après
avoir été fortement saisie de stupéfaction. Regard presque dénué
d’expression, un embarras qui pourrait poursuivre le spectateur.
Observation plus que sérénité dans le regard de cette jeune paysanne au
grand voile sans ornementation, style haute couture.
C’est une œuvre échappée comme son sujet, comme l’ange.
Il y a
un vent du Nord dans cette toile qui se serait payé un petit tour en
Sicile comme si son créateur avait simplement agi par esprit de partage
avec les peintres Flamands qu’il regardait.
Visage
où une indécision se murmure aux coins de la bouche. Au premier abord,
je n’en avais pas ressenti toute la force, puis c’est là le lien où
entre le doute : une bouche fermée, un son qui ne peut sortir. Soudain
le choc d’un ancrage dans les rites artistiques du vingtième siècle
donnant à son œuvre une lumière bien plus magnétique que celle des
résonances d’une grande explication d’un savant savantissime. Étonnante
peinture de la Renaissance qu’un Picasso aurait pu signer. Le triangle
du voile, les triangles, le monde en trois dimensions ; à l’envers
l’image affiche la forme ovoïde du visage. Le ton bleu sombre du voile,
le ton miel du visage : la terre et la naissance avec la minuscule tache
de rouge sang au centre du tableau.
Besoin
de voir les traces de l’ange ? Elle regarde le sol dans la toile murée
dans un virginal silence. Œuvre narrative d’un mot et d’un geste dans la
promesse d’un rituel mystique. Tout a été clairement et sobrement
exposé sans or ni draperies.
Discrétion,
autorité naturelle de la main droite, signe de chaman, main gauche
appuyée sur le pupitre dans le même temps maintient la page ouverte et
le voile qu’elle veut garder fermé : attitude familière d’une jeune
vierge qui se dérobe au regard de l’étranger. La conversation est
engagée qui échappe à la représentation conventionnelle de
l’Annonciation puisque l’Ange Gabriel est le grand absent dans l’espace
du tableau.
La
communion de la terre et du céleste donne à penser vérité et
anti-vérité, mariage du feu et de l’eau, ce qui donne foi et loi en
parité, source de malentendu, prière et art de passer de la matière au
monde de l’esprit. Du paradigme au magique du monde de la terre et du
magique de l’art dans l’amitié des cieux.
L’Art
du peintre fut d’avoir eu la vision fantastique de l’étincelle du
premier rayon du soleil dans un rêve où l’on n’entre pas par effraction.
Musarder,
colorer les imaginaires des musiciens des mots, peindre avec Charles
d’Orléans, ou imiter son maître Antonio Colantonio sans devenir le clone
mort-né de ses pigments ni perpétuer sa manière d’exposer à tous les
dangers un Saint Jérôme en ouvrant la cage aux lions fut la quintessence
de l’art de Antonello da Messina.
Au
delà du portrait il y a l’homme dans toute sa puissance encore captive
de son temps autant qu’en avance de cinq siècles d’une aventure où la
foi, l’œil du bon et du mauvais goût, la décohérence et son contraire,
l’harmonie prise en défaut, le tout et le rien ont inondé la terre.
La
terre où le son et la lumière sont indestructibles, où le génie de
l’artiste est un grand pari entre comparaître entre un tribunal du petit
commerce et une petite multitude de trois ou quatre cents mercenaires
de béni-oui-oui répartis dans les chapelles de faiseurs d’art, tous nés
dans le même berceau.
Emprise des sens dans le vertueux doute dont Jésus fut le fils sans nom et sans père.
Puissance et froideur exacerbée jusqu’à l’incandescence de l’Annunciata chez Antonello da Messina.
Assidûment
attirée par cette œuvre de marbre sans union charnelle avec le ciel, je
reviens voir la jeune fille qui surgit brutalement de l’obscurité d’un
rêve de peintre s’insinuant dans le lieu improbable du rêve, passé le
dernier froissement d’aile de l’ange. Paradoxe d’une vierge dépouillée
de la tradition, délogée sans pouvoir la réinsérer dans son temps car
son temps est notre temps. Le temps éclipsé de l’art, de la chapelle, du
monastère.
Je
suis là, ma curiosité ranimée rebondissante à scruter pour savoir si je
ne serais pas passée à côté de la partie cachée du voile de cette
Vierge. Le temps de deux battements de cils à sonder la partie qui
appartient à la terre et celle qui appartient au ciel, parce que le ciel
est absent avec cet équilibre parfait d’un édifice monumental alors que
c’est une très petite toile.
Perdre la raison et croire en Dieu avec elle ?
Perdre la vanité du mot Réalité ?
That is the real meaning of perdre les pédales.
Antonello
da Messina témoigne d’une vision sans être entraîné par l’émotion du
rêve de Marie. Un jeu de distance entre le peintre et son modèle. C’est
un peintre du futur dans le monde chrétien car celle qui est
« annoncée » dans la grandeur des bleus et la voracité du noir, cette
Marie pourrait aussi être Meryem l’arabe : مريم, la
madone devant la Kaaba. Rien de ce portrait pourrait faire penser à une
jeune juive entravée dans la tradition chez les Juifs du Moyen Orient.
La vierge de l’Annonciation ne soumet pas à l’attendrissement.
Je
suis face à une jeune fille consciente, qui a repris ses esprits après
avoir été fortement saisie de stupéfaction. Regard presque dénué
d’expression, un embarras qui pourrait poursuivre le spectateur.
Observation plus que sérénité dans le regard de cette jeune paysanne au
grand voile sans ornementation, style haute couture.
C’est une œuvre échappée comme son sujet, comme l’ange.
Il y a
un vent du Nord dans cette toile qui se serait payé un petit tour en
Sicile comme si son créateur avait simplement agi par esprit de partage
avec les peintres Flamands qu’il regardait.
Visage
où une indécision se murmure aux coins de la bouche. Au premier abord,
je n’en avais pas ressenti toute la force, puis c’est là le lien où
entre le doute : une bouche fermée, un son qui ne peut sortir. Soudain
le choc d’un ancrage dans les rites artistiques du vingtième siècle
donnant à son œuvre une lumière bien plus magnétique que celle des
résonances d’une grande explication d’un savant savantissime. Étonnante
peinture de la Renaissance qu’un Picasso aurait pu signer. Le triangle
du voile, les triangles, le monde en trois dimensions ; à l’envers
l’image affiche la forme ovoïde du visage. Le ton bleu sombre du voile,
le ton miel du visage : la terre et la naissance avec la minuscule tache
de rouge sang au centre du tableau.
Besoin
de voir les traces de l’ange ? Elle regarde le sol dans la toile murée
dans un virginal silence. Œuvre narrative d’un mot et d’un geste dans la
promesse d’un rituel mystique. Tout a été clairement et sobrement
exposé sans or ni draperies.
Discrétion,
autorité naturelle de la main droite, signe de chaman, main gauche
appuyée sur le pupitre dans le même temps maintient la page ouverte et
le voile qu’elle veut garder fermé : attitude familière d’une jeune
vierge qui se dérobe au regard de l’étranger. La conversation est
engagée qui échappe à la représentation conventionnelle de
l’Annonciation puisque l’Ange Gabriel est le grand absent dans l’espace
du tableau.
La
communion de la terre et du céleste donne à penser vérité et
anti-vérité, mariage du feu et de l’eau, ce qui donne foi et loi en
parité, source de malentendu, prière et art de passer de la matière au
monde de l’esprit. Du paradigme au magique du monde de la terre et du
magique de l’art dans l’amitié des cieux.
L’Art
du peintre fut d’avoir eu la vision fantastique de l’étincelle du
premier rayon du soleil dans un rêve où l’on n’entre pas par effraction.
Musarder,
colorer les imaginaires des musiciens des mots, peindre avec Charles
d’Orléans, ou imiter son maître Antonio Colantonio sans devenir le clone
mort-né de ses pigments ni perpétuer sa manière d’exposer à tous les
dangers un Saint Jérôme en ouvrant la cage aux lions fut la quintessence
de l’art de Antonello da Messina.
Au
delà du portrait il y a l’homme dans toute sa puissance encore captive
de son temps autant qu’en avance de cinq siècles d’une aventure où la
foi, l’œil du bon et du mauvais goût, la décohérence et son contraire,
l’harmonie prise en défaut, le tout et le rien ont inondé la terre.
La
terre où le son et la lumière sont indestructibles, où le génie de
l’artiste est un grand pari entre comparaître entre un tribunal du petit
commerce et une petite multitude de trois ou quatre cents mercenaires
de béni-oui-oui répartis dans les chapelles de faiseurs d’art, tous nés
dans le même berceau.
Emprise des sens dans le vertueux doute dont Jésus fut le fils sans nom et sans père.
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