mardi 19 avril 2016

Un vertige muré dans un mausolée de marbre . II / IV








Retrouver un petit morceau de terre dans un océan, c’est jouer à la roulette, à l'instar d’un grain de sable qui partirait en guerre pour se singulariser.
Les gens n’en sauront rien, seuls nous trois l’avons encore dans nos veines, à fleur de peau. Nous les enfants de Gambetta qui donnions le nom d’un faubourg de la ville à la maison de notre famille.
Chacun de nous eûmes le sentiment étrange d’avoir eu l’enfance de nos parents côtoyant la nôtre. Nous étions les mêmes en même temps… Était-ce le fait d’être tous nés dans ces murs dont les premiers avaient inventé le mot royaume pour les suivants ?
Était-ce parce que nous dormions dans les chambres où ils avaient encadré leurs dessins d’enfant ? Ou bien parce que comme nous,ils avaient grimpé dans les escaliers sombres pour arriver les premiers dans la chambre de notre grand-mère et occuper la meilleure place dans le grand lit, après qu’elle eut déposé des petits sacs d’œufs en sucre de toutes les couleurs dans des sachets d’organdi rose et bleu dans le panier en osier au bout de la corde et que nous devions tirer pour les monter à l’étage ?
Ou bien était-ce nos heures ensoleillées passées sous le figuier du fond du jardin d’où nous pouvions tout surveiller, cachés dans les herbes jusqu’à la tombée du soleil ? C’est là que nous creusions la terre et la remodelions dans les moules à gâteaux volés dans la cuisine. Notre jolie grand-mère avait trois passions  : elle aimait faire des pâtisseries, des chapeaux fantaisie, et planter des géraniums. C’est ainsi que nous avons posé à tout âge devant ces massifs rouges, roses et violets surtout les jours de carnaval avec des chapeaux rigolos.
Il y avait cependant une partie du jardin interdite, celle qui longeait le mur qui le séparait de la rue Commandant Compagnon fermé par une petite porte cachée par une forêt de roseaux impénétrable. Nous n’en avons jamais su la raison mais à la nuit tombée, tout crottés de boue, nous courions tout au fond du jardin, peureux et attentifs à ce qui aurait pu surgir de derrière les roseaux touffus.
Mais qu’entendaient ces enfants, de quels chants résonnaient ces herbes folles quand les voix familières chantaient en s’accompagnant de mandoline ? Quand mon grand jeune homme de père se cachait derrière le mûrier en sifflant comme un oiseau pour nous obliger à rentrer ?

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