Retrouver
un petit morceau de terre dans un océan, c’est jouer à la
roulette, à l'instar d’un grain de sable qui partirait en guerre
pour se singulariser.
Les
gens n’en sauront rien, seuls nous trois l’avons encore dans nos
veines, à fleur de peau. Nous les enfants de Gambetta qui donnions
le nom d’un faubourg de la ville à la maison de notre famille.
Chacun
de nous eûmes le sentiment étrange d’avoir eu l’enfance de nos
parents côtoyant la nôtre. Nous étions les mêmes en même temps…
Était-ce le fait d’être tous nés dans ces murs dont les premiers
avaient inventé le mot royaume pour les suivants ?
Était-ce
parce que nous dormions dans les chambres où ils avaient encadré
leurs dessins d’enfant ? Ou bien parce que comme nous,ils
avaient grimpé dans les escaliers sombres pour arriver les premiers
dans la chambre de notre grand-mère et occuper la meilleure place
dans le grand lit, après qu’elle eut déposé des petits sacs
d’œufs en sucre de toutes les couleurs dans des sachets d’organdi
rose et bleu dans le panier en osier au bout de la corde et que
nous devions tirer pour les monter à l’étage ?
Ou
bien était-ce nos heures ensoleillées passées sous le figuier du
fond du jardin d’où nous pouvions tout surveiller, cachés dans
les herbes jusqu’à la tombée du soleil ? C’est là que
nous creusions la terre et la remodelions dans les moules à gâteaux
volés dans la cuisine. Notre jolie grand-mère avait trois passions
: elle aimait faire des pâtisseries, des chapeaux fantaisie,
et planter des géraniums. C’est ainsi que nous avons posé à tout
âge devant ces massifs rouges, roses et violets surtout les jours de
carnaval avec des chapeaux rigolos.
Il
y avait cependant une partie du jardin interdite, celle qui longeait
le mur qui le séparait de la rue Commandant Compagnon fermé par une
petite porte cachée par une forêt de roseaux impénétrable. Nous
n’en avons jamais su la raison mais à la nuit tombée, tout
crottés de boue, nous courions tout au fond du jardin, peureux et
attentifs à ce qui aurait pu surgir de derrière les roseaux
touffus.
Mais
qu’entendaient ces enfants, de quels chants résonnaient ces herbes
folles quand les voix familières chantaient en s’accompagnant de
mandoline ? Quand mon grand jeune homme de père se cachait
derrière le mûrier en sifflant comme un oiseau pour nous
obliger à rentrer ?
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire