mardi 29 novembre 2016

" Vous consultez Roland Barthes et Cy Twombly : le « champ allusif de l’écriture »"

https://www.cairn.info/revue-rue-descartes-2001-4-page-61.htm

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On vient de voir que dans La chambre claire, la mort rodait à l’entour de la métaphore amoureuse. Reprenant l’idée de l’adhérence ou de la co-naturalité du référent et de l’image photographique, Barthes nomme le noème de la photographie : « Ça-a-été » (CC, 120) ; « il a été là, et cependant tout de suite séparé » (CC, 121), où réside ce qu’il appelle aussi la Mélancolie même de la photographie (CC, 124) – perte et séparation formant une des clés d’un livre articulé autour de la figure de la mère.
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De fait, dans tous les textes de cette période, le « discours amoureux » est traversé d’une autre isotopie : le geste défini comme la somme des paresses (NM, 7), la fatigue amoureuse (ibid.), les études oisives (NM, 8), le studium défini dans CC comme « le champ très vaste du désir nonchalant » (CC, 50), le nom propre défini dans le Roland Barthes comme « le terme d’une langueur » (RB, 55) : ce lexique relie la métaphore amoureuse au paradigme du désœuvrement, de l’indolence ou de la déréliction : un paradigme fondamental dans l’œuvre de Twombly.
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En deçà de toute « rationalité répressive », le gribouillis de Twombly et ses prolongements cryptographiques ou verbaux se donnent comme l’expression du psychisme pur. Durant la seconde moitié des années cinquante, en effet, Twombly se livre à un travail de déconstruction du « savoir dessiner » tel que Paul Klee l’a mené entre 1905 et 1914 ; un travail de régression, si l’on peut dire, duquel surgit un langage inédit, non redevable d’une culture ou d’une rationalité. Ce langage informe (met en forme) des représentations issues d’un fond où rien ne saurait se dire – un fond irreprésentable.
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Le texte « Sagesse de l’art » s’ouvre sur une question : « Qu’est-ce qui se passe, là? » ; et sur le projet d’« interroger Twombly sous le rapport d’un événement ». L’événement, c’est « quelque chose qui advient » dans une terminologie très lacanienne [11][11] La référence au dernier Lacan de la triade Réel/Imaginaire/Symbolique..., et entre autres événements, « il se passe un fait » (pragma) : Twombly impose le matériau comme une matière absolue, comme materia prima : « la materia prima est ce qui existe antérieurement à la division du sens » (SA, 9).

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